Cet article est une traduction du podcast de Commit HQ - Temps de lecture estimé : 30 mn
Interview publiée le 5 juillet 2023
Clément Fermaud : Hey, bonjour tout le monde, c'est Clement de Commit. Aujourd'hui je suis avec Nicolas de Ultra. Pourrais-tu te présenter s'il te plait ?
Nicolas Gilot : Bonjour à tous, merci de m'accueillir. Je suis co-CEO d'Ultra, j'évolue dans l'univers du jeu depuis à peu près 15-20 ans maintenant, à travers de grandes et belles entreprises de jeu : studio de jeu mobile, studio de jeu PC, entreprise de stratégie de monétisation, business de console de jeu en Chine aussi... donc j'ai un peu fait le tour de la question ! Initialement, j'ai aussi été un hardcore gamer donc j'ai joué à beaucoup de Counter Strike et d'autres jeux, notamment au niveau Esports, à une époque - il y a 15 ans - où ça ne représentait pas grand chose par rapport à aujourd'hui. Pour ce qui est de la blockchain, je suis dans l'espace depuis 2010, donc ça fait à peu près 13 ans. Au tout début, je minais un peu mais maintenant je suis descendu beaucoup plus profondément dans la technologie.
CF : Ok, donc tu as gagné de l'argent avec le bitcoin et maintenant tu construis ?
NG : Je ne peux pas en parler (rires) tout dépend de quoi on parle, si tu fais X 10 ou X 100, tu es vraiment heureux quand tu passes de 5 dollars à 500, mais bon...
CF : Revenons-en à notre sujet ! Peux-tu partager avec nous la vision initiale Ultra et comment celle-ci a évolué au fil du temps, depuis les débuts il y a trois ou quatre ans jusqu'à aujourd'hui ?
NG : Oui, avec David, nous avons créé plusieurs d'entreprises dans le passé et fondamentalement nous avons beaucoup travaillé sur les différents aspects : l'industrie du jeu, la vente de jeux, la création de jeux, la monétisation de jeux, le hardware des jeux donc on peut dire qu'on a vraiment balayé toute la largeur du spectre, sans compter également qu'on connait la vision des joueurs hardcore. Et en fait, nous avons identifié au fil du temps un certain nombre de problèmes qui se posent à l'ensemble des acteurs. L'un d'entre eux concerne la découvrabilité des jeux : par exemple en ce moment, sur Steam tu as environ environ 800 nouveaux jeux qui sortent chaque mois. C'est une très bonne chose dans la mesure où il y a beaucoup de contenus, mais en réalité, de nombreux développeurs créent des jeux que personne ne verra jamais ! Et au final, les joueurs voient toujours les mêmes jeux un peu partout... Donc c'est un aspect que nous avons trouvé assez problématique.
Un autre souci également au niveau du service, parfois tu as un jeu mais tu ne sais pas que tu peux y jouer dans le cadre d'un tournoi, que tu peux regarder quelqu'un y jouer ou que tu peux parier sur quelque chose dans le jeu... donc ton expérience du jeu reste finalement assez pauvre : une fois que tu as terminé ton jeu, c'est fini et tu recommences à zéro avec un nouveau jeu en te disant : « Ok, c'était très amusant mais cela ne m'a rien apporté, si ce n'est un peu d'expérience... » Ce que nous avons voulu faire, c'est vraiment de révolutionner l'industrie du jeu en créant le premier écosystème complet permettant d'élever toutes les personnes impliquées en fonction de leur degré d'engagement au sein de cet écosystème. D'après nous, c'est comme ça que l'industrie devrait évoluer. C'est un peu ce qu'on peut déjà constater avec les téléphones mobiles, une sorte d'écosystème qui est certes différent mais auquel les gens peuvent contribuer, par la création d'outils, d'applications ou d'autres choses qui rendent le jeu plus facile, plus agréable à jouer, et offrent une meilleure expérience avec ton smartphone.
Or, tout ça n'existe pas sur PC et c'est justement ça qu'Ultra veut apporter au marché. En gros, à partir du moment où tu rejoins Ultra, pour quelque raison que ce soit, comme jouer à un tournoi ou bien parce que tu as acheté un jeu ou quoi que ce soit d'autre, tu peux découvrir et profiter de l'expérience globale et la piloter du bout des doigts. Tout ce que tu fais ajoute de la valeur pour toi, donc ce n'est pas juste « Ok, j'ai fini » mais plutôt « Oh, je vois que tu as gagné un tournoi... C'est super, et ça veut dire que tu as une bonne réputation. Du coup, la critique que tu feras du jeu aura davantage de valeur dans la mesure où tu sais vraiment de quoi tu parles. » c'est le genre d'exemple auquel on peut penser.
CF : Ok, donc voilà pour la base et les fondamentaux de la plateforme. Maintenant j'aimerais qu'on aille un peu plus en profondeur dans la technologie, avec un point sensible pour pas mal de gens, je veux parler de la blockchain. Quel a été l'élément déclencheur de la décision - je sais que ça fait un bon moment désormais, surtout que les choses avancent vite - de construire sur EOSIO, quels ont été les facteurs clés qui ont influencé votre décision ?
NG : Notre but était de faire un produit susceptible d'adresser la masse et nous avons découvert que ce ne serait pas possible avec Ethereum. A l'époque nous avons vérifié tout ce qui existait et on en est arrivé à la conclusion que la seule technologie qui serait capable de supporter un marché de masse était EOSIO. Absence de frais de transaction, pas besoin d'apprendre un nouveau langage de programmation, ce qui est plus facile pour les développeurs de jeux car le C++ est déjà le langage qu'ils utilisent pour créer leur jeu - en tous cas c'est le cas pour la plupart des jeux sur PC - en même temps il y a quelques frictions au niveau de la création de compte et la nécessité de payer pour obtenir un compte mais en réalité c'est très rapide, tu as quelque chose comme 12 000 transactions par seconde et il y a une réponse très rapide - 400 millisecondes, si je me souviens bien - ce qui veut dire que c'est pleinement utilisable pour les jeux. Donc à partir de là, on s'est dit : ok c'est la technologie de base qui fait sens pour le marché de masse, pour l'industrie des jeux. Tu peux voir aujourd'hui encore que si tu utilises n'importe quelle layer 2 et que tu veux une expérience sans friction, tu ne bénéficies pas pleinement des avantages de la blockchain, tu ne possèdes pas réellement l'actif, qui est dans un wallet au sein d'un cloud. Il y a bien eu quelques correctifs qui ont été créés mais rien qui soit encore pas vraiment utilisable pour un marché de masse, c'est pourquoi on a décidé d'aller sur EOSIO.
CF : OK, ça, c'était au début, mais depuis, beaucoup de choses ont changé depuis l'avènement des layers 2 et désormais des layers 3 et toutes ces choses que les gens développent. Du coup je demande si certains réseaux comme ceux qui pourraient être plus utilisés par les utilisateurs de DeFi ou les gamers, ne seraient pas mieux appropriés pour les jeux comme peut-être Avalanche, Subnet ou Polygon... ce genre de blockchain. As-tu déjà envisagé de basculer de EOSIO vers une blockchain de ce genre ?
NG : Nous avons vérifié tout ce qui était développé sur l'ensemble du marché et quand tu vois ce qu'est Ultra aujourd'hui, c'est véritablement une verticale complète, nous maitrisons l'ensemble de la chaine et si nous avons besoin d'optimiser quoi que ce soit, nous allons directement au niveau du protocole et nous modifions ce dont nous avons besoin. On veut modifier quelque chose pour les jeux ? Ok on peut traiter le SDK. Nous avons tout une gamme de produits qui nous permettent de faire ça. En revanche, quand on est sur une layer 2, on dépend de la layer 1 et quand on est sur une layer 3, on s'appuie sur la couche 2 qui elle-même s'appuie sur la couche 1 donc pour moi ça revient à mettre un patch par dessus toute la technologie pour essayer de la faire en sorte qu'elle fonctionne mieux et je te laisse imaginer combien ça coûte, c'est dingue. Et il n'y a toujours pas de bonne solution aujourd'hui.
Polygon est très bien, mais il y a toujours le problème des frais de transaction. Et à partir du moment où tu as des frais de transaction, aussi faibles soient-ils, ça signifie que tu devras forcément interagir avec les cryptomonnaies et acheter quelque chose sans quoi ça ne fonctionnera pas. Donc à mon sens, il est impossible d'atteindre le niveau d'un marché de masse avec ça parce que tu auras toujours cet obstacle qu'il faut d'abord commencer par comprendre comment ça fonctionne, puis ensuite accomplir des opératons supplémentaires par rapport à ce que tu fais aujourd'hui dans l'univers du gaming. Tu ne te contentes pas de l'installer vite fait puis recevoir quelque chose que tu peux revendre... ça ne marche pas. Donc tu en restes toujours avec une expérience pas fluide, or c'est précisément ça que nous avons voulu faire avec Ultra : nous voulons l'expérience la plus fluide et la plus transparente possible.
L'idée est d'avoir avec Ultra exactement la même chose que ce que tu peux trouver sur Steam : tu achètes ton jeu et : « Oh c'est un NFT. Est-ce que j'ai besoin de le savoir ? Non, j'ai simplement reçu quelque chose que je peux revendre si je le souhaite, auquel cas je reçois de l'argent et je peux acheter quelque chose d'autre avec » et ça s'arrête là. Je ne veux même pas savoir que j'ai une clé privée, malgré le fait qu'elle est pourtant bel et bien installée sur mon ordinateur.
Donc oui, nous avons commencé avec EOSIO mais nous avons développé beaucoup de technologie au cours des années et nous sommes arrivés à un stade où nous sommes désormais très différents de la solution initiale d'EOSIO. Par exemple, nous avons créé notre propre norme NFT qui s'attaque à des problèmes que vous qu'on ne trouve pas ailleurs comme celui du geofencing. Imagine quelqu'un qui revend mon jeu en Chine... c'est super... sauf que c'est illégal. Alors comment je fais s'il n'y a pas de barrière géographique ? Ce n'est qu'un exemple des problèmes qu'on rencontre à grande échelle, et que nous avons essayé d'aborder dès le départ, pas seulement pour nous, mais aussi pour tous ceux qui utiliseront la chaîne.
CF : OK. Revenons-en maintenant à des choses plus attirantes et plus sexy (rires) parce qu'il faut bien avouer ces questions de tech et de blockchain ne passionnent pas grand monde ! Comment penses-tu qu'Ultra va redéfinir l'industrie du jeu actuelle ?
NG : Je pense que c'est vraiment une question d'écosystème et plus encore de l'implication dans cet écosystème de la part de tous les acteurs. Pour l'instant, les joueurs sont des spectateurs, ils ne font pas vraiment partie de l'industrie du jeu au sens business. C'est très difficile pour eux d'en faire partie, aujourd'hui les seules façons d'y parvenir sont de devenir un joueur pro ou de faire du modding, mais on ne gagne pas d'argent avec ça, donc ils restent en dehors de l'écosystème. Mais en quelque sorte, pour l'industrie du jeu, c'est toi le produit. Et de mon point de vue, ce n'est pas normal.
Je pense que les joueurs ont une forte expérience, beaucoup de créativité et qu'ils peuvent très certainement contribuer énormément au développement de l'écosystème entier, que ce soit en étant influenceur, en aidant les autres ou encore en créant du contenu ou en jouant beaucoup et... tu vois, c'est un peu comme les "Gold farmers" en Chine pour World of Warcraft. Ce sont des gens qui utilisent le jeu pour générer un business et faire pleinement partie de ce jeu en un sens. Donc si tu y réfléchis du point de vue de l'écosystème, l'idée est vraiment d'offrir à tout le monde une chance de faire partie de ce monde et d'en bénéficier en même temps tout en fournissant davantage de valeur. Imaginons quelqu'un qui a créé un système de suivi de quête pour World of Warcraft très sympa. Cela pourrait être précieux pour un grand nombre de gens mais il n'y a aujourd'hui aucun moyen de le savoir, à moins d'aller le découvrir sur un forum spécial quelque part. Eh bien avec Ultra cela pourra être mis facilement à la disposition de tout le monde. De la même manière, si tu passes beaucoup de temps à jouer à un jeu, tu peux en faire la promotion auprès d'autres personnes et en tirer quelque chose pour toi et ça représente de la valeur pour les développeurs. Ce ne sont que de minuscules exemples mais en y réfléchissant bien, ça peut également intéresser une une grande marque ou plusieurs constructeurs qui souhaitent organiser des tournois et qui veulent travailler avec des influenceurs. Eh bien tout ça, ils peuvent le faire avec Ultra.
Par exemple, ceux qui suivent le stream d'un jeu reçoivent un jeu gratuit et un NFT Red Bull qui leur donne le droit de recevoir 12 canettes par mois... Mais fondamentalement, tout est susceptible d'avoir de la valeur pour les autres. La façon dont nous le voyons est véritablement à grande échelle.
CF : En parlant de ça justement, quel est le plus grand défi auquel vous avez eu à faire face jusqu'à présent ?
NG : Je dirais c'est surtout sur les innovations. Historiquement, l'innovation prend du temps et ce n'est pas prévisible. Nous sommes une entreprise hautement innovante, ce qui veut dire que nous n'avons jamais de certitudes en termes de timing : jusqu'où ça va aller et à quel point ce sera compliqué... c'est une chose, mais ce n'est jamais qu'une question de temps et d'argent pour la résoudre. Pour le reste, je pense que ça tourne davantage autour de la perception de l'espace blockchain de la part de l'industrie du jeu traditionnel. On voit que les deux ne sont pas encore unis, les jeux Web 2 restent toujours préoccupés par la cryptomonnaie, la sécurité, ce qui va se passer, l'écologie... l'ensemble des problèmes mais ça s'améliore et donc c'est vraiment ce que nous essayons de faire avec la technologie : de la rendre aussi invisible que possible tout en étant respectueux de l'environnement donc nous avons un bon niveau de conversation avec les acteurs du Web 2 parce qu'aujourd'hui c'est là que sont les utilisateurs, ils ne sont pas dans l'univers Web 3. Il y en a bien quelques uns, mais cela reste encore très marginal comparé à l'ensemble de l'industrie du jeu donc j'imagine que c'est ce que nous devons faire : offrir une solution simple et transparente avec laquelle il n'y aura pas beaucoup de soucis pour impliquer les gens.
CF : Juste avant de passer à un autre sujet j'ai quelque chose d'un peu déroutant : je te vois en tant que « co-CEA » d'Ultra mais il y a aussi quelqu'un d'autre (David Hanson) qui est également le CEO de la société. Comment vous vivez ça au quotidien ?
NG : Disons que si l'un est au Japon et l'autre est aux USA, il est toujours possible d'avoir une réunion avec un partenaire mais en dehors de ça, c'est un peu délicat parce qu'en général, les gens sont soit très créatifs, soit très structurés, mais ces caractéristiques sont rarement réunies dans une seule et même personne. Donc ce dont on s'est rendus compte avec mon associé, dans toutes nos entreprises, c'est que lui gère toujours le développement des produits : « Ok, on va faire comme ça et ça va être incroyable ! » alors que moi je suis beaucoup plus sur le marketing, les données juridiques, la finance, la gestion... ce qui nous permet fondamentalement d'avoir une bonne synergie.
C'est comme ça qu'on se retrouve avec une structure solide et une entreprise innovante en même temps et c'est ce qu'on recherche et c'est pour ça qu'on est de bons CEO et on se fait entièrement confiance donc c'est facile quand l'un peut prendre une décision sans l'autre et pas attendre pour quelques raisons que ce soit.
CF : Parfait, mais comme c'est quelque chose que je ne rencontre pas tous les jours, j'avais besoin de poser la question...
NG : Oui, c'est déjà la quatrième entreprise que nous créons ensemble, donc c'est généralement comme ça qu'on fait !
CF : Mon sujet préféré - nous en avons déjà un peu discuté en off - et je sais par avance que tu marches sur des oeufs et combien c'est compliqué pour toi, mais peux-tu nous en dire un peu plus, donner de l'alpha... Que peux-tu partager avec nous en matière de perspectives pour Ultra au croisement entre l'Esport, la blockchain, les cryptomonnaies et toute cette tech. Que préparez-vous, que faites-vous, à quoi réfléchissez-vous ensemble ?
NG : Je pense que si c'est bien fait, utiliser la blockchain pour l'Esports offre une meilleure expérience « sans couture », ce qui signifie que tu peux aisément donner un pourboire à quelqu'un, tu peux facilement gagner une récompense de tournoi, tu peux tracer qui a reçu quoi... donc en fait je crois que la crypto est plutôt une bonne chose pour l'Esports, attendu qu'il y a des joueurs aux quatre coins du monde et que tous n'ont pas forcément un compte libellé en dollars. Si tu as gagné un tout petit peu d'argent, que tu es en Australie et que tu dois recevoir de notre part 10$ envoyés depuis les États-Unis, les frais d'envoi risquent d'absorber l'intégralité du gain ! Donc je pense que la crypto est objectivement quelque chose de positif pour l'Esports en général, la blockchain est bien dans le sens où elle permet de créer de nouveaux modèles. C'est vraiment du côté du modèle commercial que la blockchain apporte de la valeur, notamment en termes d'expérience et de traçabilité de cette expérience comme : « Tu as gagné cinq tournois, tu as fait tel score, tu étais dans telle équipe... » donc cela permet une sorte de validation du parcours accompli : « Oui, c'est bien moi. C'est bien ce que j'ai réalisé... »
Et du coup, tu peux solliciter une marque pour te sponsoriser, tu peux solliciter une nouvelle équipe pour l'intégrer... je pense que la blockchain peut vraiment établir des règles qui sont habituellement difficiles à obtenir et aussi ça aide également à lutter contre la triche dans les tournois parce que c'est ton identité qui est impliquée, ce qui veut dire que si tu triches, ça sera inscrit sur ton profil.
CF : Oui, mais tu peux toujours recréer une nouvelle identité...
NG : Et tout recommencer ?! En mettant six mois, un an, pour reconstruire toute ton ancienne historique et redémarrer de nouveau...
CF : C'est ce que font les farmers ! (rires)
NG : C'est très compliqué parce que là tu participes à un tournoi mondial ou un grand championnat... Ca n'arrive vraiment pas tout le temps, tu sais. Je pense véritablement que c'est un élément qui apporte de la valeur et à la limite, on peut même en ariver à te demander de prouver ta véritable identité, évidemment pas pour la rendre publique mais simplement attester que tu es bien celui que tu prétends être, et que si une autre personne essaie d'usurper ton identité, elle sera tout de suite repérée et interdite d'accéder au tournoi. Donc avec la blockchain, tu peux t'assurer de la réelle identité d'une personne sans pour autant que celle-ci soit partagée.
Du côté Esport, le principal problème concerne la monétisation. La blockchain peut véritablement apporter des solutions avec de nouvelles façons de monétiser cet espace. En tant que joueur, imagine qu'après avoir porté les couleurs d'une équipe précédente, tu es transféré dans une autre équipe. Comme dans le football, on pourrait concevoir que ton ancienne équipe reçoive une sorte d'indemnité de transfert au motif qu'elle t'a entrainé, qu'elle t'a permis de progresser quand tu jouais pour elle. Ce genre de chose n'existe pas encore dans cet espace mais je suis sûr que quelqu'un va y penser. Mais cela ne concerne que le haut niveau, pour le coup.
Du côté des NFT, il y a également beaucoup de valeur ajoutée possible. Par exemple, supposons que tu participes à un tournoi sur Ultra Arena et que tu gagnes un NFT qui te donne le droit de recevoir une carte graphique AMD, mais que tu n'as pas envie ou pas besoin d'une carte graphique... dans ce cas, rien ne t'empêche de revendre ton NFT à quelqu'un d'autre. Toi, tu reçois de l'argent que tu utilises à ta guise, et de son côté, AMD va percevoir une marge sur la vente de sa carte. Et ce raisonnement ne concerne pas que des objets physiques, il peut également s'appliquer à des objets virtuels. Si un développeur offre une épée en récompense d'un tournoi, celle-ci peut être revendue par celui qui l'a reçue et la revente génèrera une commission pour le créateur à travers la plateforme de tournois. Et ce dernier peut à son tour réinvestir l'argent reçu dans la création de nouveaux contenus et de plus de tournois et ainsi de suite.
Donc il y a des solutions intéressantes qui peuvent vraiment aider à rendre l'Esport plus porteur de valuer ajoutée et plus agréable à utiliser pour le plus grand nombre.
CF : Et comment abordes-tu tout ces discours anti-NFT, que ce soit dans l'Esport ou plus simplement dans les domaine du gaming en général ? Par exemple il y a quelques mois, Ubisoft a dû faire face à une énorme vague d'hostilité parce qu'ils avaient essayé de proposer des NFT dans leur jeu. A cette occasion, on a eu droit à peu près à tout et n'importe quoi : « C'est anti-écologique, c'est une autre façon de piller les joueurs, vous saurez qui nous sommes donc vous allez pouvoir nous tracer, bla bla bla bla... ». Comment, en tant que fondateur d'une plateforme de jeu, fais-tu face à ce genre de préoccupations et que réponds-tu aux gens qui ont cet état d'esprit ?
NG : Je pense que ça commence déjà par la question de la visibilité : déjà, si tu vois "blockchain" ou "NFT"... c'est mal parti. L'idée est que tu ne dois pas avoir la moindre différence de ressenti par rapport à avant. Donc par exemple, si tu reçois un objet, tu n'es pas censé savoir que c'est un NFT. Tu as juste reçu un objet, boom, tu le vends et tu reçois quelque chose en échange et en un sens, ton expérience s'arrête là, tu n'as pas besoin de connaitre les détails.
Si j'utilise le terme NFT, c'est parce que nous sommes ici sur un podcast dont les auditeurs connaissent les NFT sans forcément y être hostiles - enfin j'espère ! - et parce fondamentalement, c'est bien cette technologie qui est derrière tout ça. Mais de la même manière, tu ne dis jamais « Mon jeu fonctionne avec MySQL » car tout le monde s'en fout. Si on avait raisonné comme ça, tout le monde aurait été vent debout contre SQL parce que ça permet aux gens d'être scannés, c'est effrayant et il faut absolument l'éviter !
Les blockchains sont également vues comme consommant beaucoup d'énergie, c'est d'ailleurs une préoccupation que nous rencontrons régulièrement lorsque nous traitons en BtoB avec des partenaires du monde de l'industrie du jeu. Or, nous avons une blockchain qui ne consomme quasiment rien en réalité, avec seulement onze serveurs - dont certains sont sur le point d'arriver - et au final, 65 000 transactions sur Ultra consomment l'équivalent d'un seul email, et par ailleurs, cela fera l'objet d'une compensation carbone, donc on est plutôt bien de point de vue là.
Celà dit, je pense que la seule bonne façon de communiquer, c'est de parler des avantages et de la valeur ajoutée de l'offre, sans chercher à s'étendre sur les aspects technologiques.
Par ailleurs, je n'exploite pas les gens non plus ! Je ne commence pas par leur dire « Si tu achètes chez ce marchand, alors tu recevras quelque chose », je leur dis « Tu as reçu un objet parce que tu as tué ce monstre et... Oh, tu peux le revendre ». Bonne expérience ! Sur le magasin Ultra Games, tu peux acheter des jeux exactement comme tu le ferais sur Steam, à ceci près que certains de tes jeux peuvent être revendus. Ai-je vraiment besoin de savoir qu'il y a un NFT derrière ça ? Non, je m'en fous. Et je pense vraiment que c'est comme ça que les gens devraient mettre les choses en perspective.
CF : Oui je pense comme toi que les gens ne devraient pas se soucier de ce qu'il y a derrière le rideau...
NG : Ca ne devrait pas être caché pour autant mais je pense surtout que personne ne devrait s'en soucier, sauf si c'était effectivement dommageable pour l'environnement bien sûr, ce qui était le cas avec les premières blockchains (en POW) mais tant que c'est juste une technologie, ça ne devrait pas affecter les gens dès lors qu'elle est utilisée de la bonne manière. Si tu essayes de commencer par soutirer de l'argent aux utilisateurs, évidemment que ça va mal se passer, mais si tu leur apportes de la valeur et qu'ils en sont heureux, je ne vois pas où est le problème.
CF : Tout à l'heure, j'ai mentionné Ubisoft, c'est l'exemple que je prends tout le temps. Mais comment vois-tu les nouveaux studios ou les producteurs de jeux embrasser cette technologie blockchain ? Comment cette nouvelle tendance impactera-t-elle la stratégie d'Ultra dans le futur et comment vois-tu votre position dans ce marché évoluer d'une manière ou d'une autre ?
NG : Nous agissons à plusieurs niveaux. Au niveau de l'infrastructure tout d'abord, nous faisons en sorte de fournir la meilleure technologie dans sa catégorie aux développeurs de jeux afin qu'ils puissent tirer parti de la blockchain, c'est un premier aspect et ça ne changera pas car nous avons développé notre propre blockchain, nous avons notre SDK, nous avons une norme NFT et plein d'autres choses qui sont utilisables pour les développeurs de jeux.
Ensuite, il y a la suite de services. Pour l'instant, sur le marché nous avons des jeux qui sont issus du Web 2 traditionnel. Nous avons des jeux Web 3 mais ils n'ont pas besoin d'avoir été développés sur Ultra pour être disponibles sur Ultra, donc tu peux toujours bénéficier des avantages permis par Ultra Games comme la tokenisation, ce qui veut dire que si tu achètes un jeu, tu en es vraiment propriétaire sur la blockchain et la licence du jeu peut te donner l'accès à un serveur Discord privé, à un tournoi ou à diverses opportunités et cela, quelle que soit la blockchain sur laquelle le jeu a été construit. C'est nous qui faisons le plus gros du travail pour les développeurs : on tokenise nous même le jeu automatiquement, on apporte une solution DRM qui protège le jeu (une chose qui est un point clé pour les plus gros joueurs) et on distribue le jeu aussi donc le créateur peut mettre à jour son jeu et tout le monde reçoit la nouvelle version mise à jour et en cas de problème, le jeu peut être remboursé.
Il y a la façon classique et traditionnelle, de distribuer des jeux, mais adaptée au Web 3. Je pense qu'on est vraiement au coeur du sujet dans la mesure où nous fournissons aux développeurs de jeux l'ensemble du cadre qui leur permet de vendre leurs jeux, émettre leurs factures, grâce à la technologie offerte par le SDK (Soft Development Kit) et la blockchain. En parlant du SDK, je veux parler de la possibilité de créer des choses comme un leaderboard, lobby making, match making... donc on est sur un SDK vraiment conçu pour le gaming, en plus de la blockchain. D'autre part, nous pouvons aider les développeurs de jeux à promouvoir leur contenu, donc nous fournissons des solutions qui les aident à améliorer leur marketing et à faire grossir leur communauté, comme l'accès à une version bêta fermée. S'ils le souhaitent, ils peuvent même avoir des NFT qu'ils ont la possibilité d'airdroper au sein de différentes communautés ou par l'intermédiaire d'influenceurs, donc nous fournissons tous les outils pour que les développeurs de jeux puissent rendre leur jeu très visible et connu et pour que les gens puissent participer à ces jeux durant le processus de création : pour les promouvoir, pour aider à la révision, pour tester en QA (Quality Assurance). Non seulement ça aide aussi le développeur, mais de plus ça implique aussi beaucoup plus les joueurs dès le début et ils peuvent être récompensés pour cela.
C'est comme ça que nous voyons notre rôle au sein de l'espace de jeu blockchain, parce que nous sommes complètement agnostiques en la matière, même si bien entendu, en utilisant notre blockchain, tu peux en retirer plus d'avantages comme l'absence de frais sur toutes les transactions. Mais au moins, en tant que développeur, tu as la possibilité de faire un premier essai avec un autre jeu, te dire que c'est vraiment cool et puis à partir de là choisir d'utiliser cette technologie aussi pour ton propre jeu.
CF : Ok, ce sera ma dernière question pour toi, probablement la plus délicate je ne sais pas, c'est à toi de me dire. Ultra est donc une sorte de Steam pour les jeux blockchain. Que se passearait-il si demain, Valve décide de lancer une version Web 3 de Steam et si on voit débarquer quelques studios AAA se joindre à eux et lancer leur propre leur propre plateforme de jex Web 3. Quelle serait la réponse d'Ultra, quelles sont vos armes, vos outils pour concurrencer ce genre de géants ?
NG : Si tu réfléchis bien à ce qu'est Ultra par rapport à Steam, tu t'aperçois qu'en fait, c'est très différent. Ce que fait Steam, c'est d'être un magasin de jeux, point. Ultra est un écosystème complet avec la blockchain, avec la couche d'application et seul le magasin Ultra Games est l'équivalent de Steam, mais ce n'est rien d'autre qu'une application à l'intérieur d'Ultra donc ça veut dire que tu peux être sur Steam et profiter d'une expérience sur Ultra en même temps, qui apportera de la valeur à ton jeu Steam, pas de problème.
Il faut vraiment nous voir comme un écosystème. Si tu prends un parallèle avec le téléphone portable comme j'en parlais tout à l'heure, nous sommes plus comme le téléphone lui-même, plus le framework, plus le SDK, plus l'app store, plus les quelques applications comme la messagerie téléphonique, l'application calendrier et puis effectivement, il y a aussi Ultra Games pour la distribution des jeux, notre marketplace pour la vente des NFT, notre wallet ou notre plateforme de tournoi. Fondamentalement, les gens peuvent continuer à construire sur l'écosystème, ça peut être Twitch, que tu peux intégrer très facilement dans Ultra, ça peut être de créer un petit plugin qui t'aide à airdroprer des NFT... C'est essentiellement de favoriser un écosystème qui continue d'évoluer en devenant de plus en plus grand, avec de plus en plus de valeur pour les utilisateurs, alors que Steam reste cantonné à la seule distribution de jeux et c'est tout. Donc oui, nous sommes leurs concurrents sur un des segments de ce qu'on fait, mais nous sommes vraiment l'écosystème, c'est vraiment ça notre objectif.
Bien entendu, il est objectivement difficile de concurrencer Steam au niveau de la distribution de jeux en se disant qu'on aura de meilleurs jeux qu'eux. Ce qui est sûr, c'est qu'on aura des jeux différents, je vois par exemple qu'il n'y a pas beaucoup de jeux gratuits aujourd'hui, contrairement à Epic Games. Est-ce comme ça qu'on pourra se déifférencier ? Non. Pour moi, c'est vraiment l'écosystème qui nous rend si différents, si excitants. Et pour quelqu'un qui voudrait refaire tout ce que nous avons fait, il faudrait créer une blockchain, un SDK, un framework avec des applications multiples en repartant de zéro sans compter les serveurs qui sont au coeur de notre écosystème, et dont certains autres vont arriver.
Donc en résumé, je pense pour être honnête qu'il serait très difficile et très compliqué de répliquer tout ce que nous avons fait. On pourrait certes en répliquer une partie, mais il n'y aurait alors aucune synergie avec le reste et c'est justement l'aspect synergique qui est génial. Aujourd'hui sur Steam, tu as ton profil, tu achètes ton jeu. De temps en temps, tu peux échanger un jeu à l'intérieur de Steam comme les skins de CSGO par exemple, mais ton argent reste toujours verrouillé à l'intérieur, tout est bloqué et voilà. Ultra, c'est exactement l'inverse : fondamentalement tout ce que tu es susceptible de faire est entièrement opérable avec tous les différents services, les différents jeux, et ce même en dehors d'Ultra, avec l'extension Chrome, tu peux avoir un paramétrage de site web qui récupère ton identifiant Ultra et qui te permet, dès lors que tu détiens un NFT spécifique, de venir sur le site en question et réclamer l'objet physique que tu as gagné... et que tu peux revendre ensuite. Il existe déjà plusieurs marketplace qui ont été développées par des opérateurs tiers, pas par nous !
Donc c'est vraiment en ça que nous sommes très différents de Steam et c'est comme ça que nous pensons pouvoir les concurrencer.