traduction Cet article est une traduction de l'article The Future of (Crypto) Gaming de Delphi Digital - Temps de lecture estimé : 25 mn
  • Introduction
  • Pourquoi des jeux ?
  • Historique de la monétisation des jeux
  • La blockchain dans les jeux
  • La génération actuelle des jeux cryptographiques
  • Utilisation de la cryptographie pour monétiser les jeux
  • Conclusion

Ce n'est un secret pour personne de dire que la plupart des joueurs détestent la crypto. Nous avons pu voir la forte réaction de la communauté autour d'annonces telles que celle d’Ubisoft Quartz et encore plus récemment avec Midnight Society du Dr DisRespect. Des commentateurs du secteur des jeux vidéo tels que Asmongold, Josh Strife Hayes et bien d'autres continuent de vilipender le secteur, souvent avec raison. Peut-être serez-vous surpris de lire ces mots sous la plume d’une entreprise crypto-native, mais sachez que non seulement nous comprenons ce sentiment mais que de plus, nous pensons qu'il n’est pas infondé.

En tant qu'équipe de joueurs faisant partie des premiers supporteurs des jeux sur la blockchain, le dénigrement d'un espace auquel nous tenons tant nous a quelque peu pris au dépourvu. Au départ, nous avons simplement commencé par supposer que les gens n’avaient pas vraiment compris les avantages que la crypto pouvait apporter au jeu. Toutefois, nous avons pris le temps d’écouter, de débattre et d’écouter encore. Et au terme de nombreux échanges, nous avons bien dû reconnaitre que la plupart des critiques émises étaient parfaitement fondées. Pas seulement à l’encontre des jeux crypto eux-mêmes, mais plus largement par rapport à l'évolution des pratiques de monétisation de l'industrie du jeu au fil du temps.

Dans cet article, nous exposerons nos idées sur cette question ainsi que la thèse qui en résulte. Nous retracerons le contexte historique afin de mieux situer là où nous nous trouvons dans l'industrie du jeu, nous partagerons quelques réflexions quant à l'arrivée de la crypto dans cet univers et nous définirons plusieurs modèles au sein desquels nous pensons que la crypto aura un rôle à jouer. En particulier, nous explorerons un nouveau modèle appelé PlayFi, développé par Brooks Brown et l'équipe de NOR. Nous vous recommandons fortement de regarder notre épisode inaugural de Disruptor avec lui. Nous avons construit notre thèse sur bon nombre de ces principes, en y ajoutant quelques modifications fondées sur notre expérience.

Pourquoi des jeux ?

Commençons déjà par faire un zoom arrière et rappelons les raisons profondes pour lesquelles les gens sont attirés par les jeux. Voyons le concept des « cercles magiques », lancé pour la première fois par Johan Huizinga dans son livre de 1938 « Homo Ludens » et appliqué plus tard au contexte du jeu par Katie Salen et Eric Zimmerman dans leur livre de 2003 « Rules of Play : Fundamentals of Game Design ». Le terme « cercle magique » fait référence à la frontière imaginaire entre le monde réel et le jeu. La réalité, avec ses contraintes souvent peu reluisantes, est ce dont beaucoup de gens cherchent à s'évader. Le cercle magique d'un jeu est à même de leur offrir ce refuge.

 Understanding The Magic Circle

Dans un cercle magique, des actions qui sont apparemment banales peuvent prendre des formes extraordinaires en raison de la nature remarquable de l'imagination humaine. Tenez, par exemple : le simple fait de lancer un ballon dans un filet peut être totalement transformé. Supposons que ce ballon voyageant dans ce filet représente en fait le but vainqueur dans une finale de Coupe du monde. Au même moment, des milliards de personnes s'en soucient et ce moment porte en lui une signification importante et durable. La différence ici est que cela s'est produit dans un cercle magique : une illusion partagée, que la société a valorisée.

 MAGIC CIRCLES CREATE MEANING

Il peut paraitre surprenant que nous ayons pris un exemple tiré du sport dans un article consacré aux jeux vidéo, mais nous verrons que l’un et l’autre ont bien plus de choses en commun que de différences. Aussi loin qu’on remonte dans l'histoire de l'humanité, le sport physique a toujours été un moyen de divertissement dominant. Il est universellement vu comme porteur de sens, avec une capacité à mettre en jeu une passion et un tribalisme énormes à l'échelle mondiale. Les sports sont respectés car les gens savent quelles sont les compétences qui sont nécessaires pour y exceller vraiment, ayant souvent pratiqué le sport eux-mêmes. De plus, il a fallu des milliers d'années d'évolution avant d’optimiser ce que les gens apprécient et aiment vraiment dans les jeux. Il en est résulté un modèle très particulier de monétisation autour des jeux, que nous aborderons plus loin.

Pour en revenir au cercle magique, celui-ci sert souvent à induire une sorte d’« état second »⁠ - un phénomène psychologique bien documenté qui va bien au-delà du jeu ou du sport. C'est l'état dans lequel on se trouve lorsqu’on est placé dans des situations de grand défi nécessitant la mise en œuvre de compétences élevées. S'il réussit à créer mentalement un cercle magique suffisamment convaincant, alors le joueur sera tellement absorbé par l'expérience que tous les autres besoins en deviendront négligeables et que le monde extérieur devra nécessairement s'effacer. Vous-même, cher lecteur, avez peut-être déjà ressenti cette sensation d'être « dans la zone ». C'est ce que beaucoup de gens apprécient dans les jeux vidéo - le vrai sens du jeu.

 UNDERSTANDING FLOW

C'est justement à propos de ce dernier point que les choses commencent à achopper avec la génération actuelle de jeux vidéo car dans de nombreux cas, le jeu n'est pas exempt d' « interférences externes ». En fait, s'y est invité ce qui constitue probablement la plus grande contrainte que la réalité impose aux gens : l'argent. Nous pensons qu'il s'agit là d'un grand motif d'hostilité envers la cryptographie de la part de la plupart des joueurs. Certains pans de l'industrie du jeu traditionnel se sont en effet orientés vers des pratiques de monétisation agressives, au risque de nuire à l'expérience du joueur. Résultat des courses, lorsque les joueurs se voient obligés d'acheter des NFT pour jouer avec les premiers jeux crypto, ou que de grands éditeurs annoncent leur intention de développer ce secteur, ils y voient avant tout une autre tentative de leur extorquer de l’argent et tournent les talons.

 PAY TO WIN GAME VS SKILL BASED 1

Les problématiques évoquées ci-dessus concernent plus particulièrement les titres multijoueurs compétitifs, dans lesquels la saine compétition est gangrénée par la possibilité qu’ont certains joueurs de battre les autres uniquement parce qu'ils ont payé suffisamment pour améliorer leurs performances. Ces jeux, souvent présentés comme payants (P2W), suscitent assez légitimement des réactions négatives. Avec l'avènement de la cryptographie et la possibilité de tokeniser et d'échanger des actifs au sein du jeu, nombreux sont les critiques qui craignent que les jeux de blockchain ne tendent toujours dans cette seule direction. Bien qu'il s'agisse d'un point de vue respectable, nous pensons néanmoins qu'il s'agit-là d'une vision un peu trop unidimensionnelle qui laisse de côté de nombreuses et intéressantes opportunités d'améliorer les jeux grâce à la cryptographie.

Pour résumer certains des points que nous avons abordés :

  • Les gens jouent à des jeux pour échapper à la réalité.
  • L'entrée dans un « état second » conjuguée à une véritable immersion y contribuent davantage.
  • Quand elle repose sur les compétences, la compétition représente un des moteurs importants susceptibles de donner de l’intérêt aux jeux.
  • Toutefois, l’introduction de l'argent dans le gameplay de base peut saper tout ce qui précède.

Nous pensons qu'une grande partie des critiques émanant de l'industrie des jeux, qui sont dirigées à la fois contre les jeux crypto et les jeux traditionnels, découle de la façon dont ceux-ci sont monétisés. Dans un monde idéal, on pourrait dire que pour créer les expériences de jeu les plus immersives, l'influence de l'argent sur le gameplay de base devrait être limitée. Cela ne veut pas dire pour autant que toutes les formes de monétisation sont forcément mauvaises, mais plutôt que nous devrions chercher à introduire la monétisation d'une manière qui ne nuise pas au principe de base du jeu ou à l’esprit de compétition. Tout comme cela ne veut pas non plus dire qu'il ne peut pas y avoir de jeux où l'argent touche au cœur du gameplay, car il y a sans aucun doute un public pour de tels jeux. Et d’ailleurs, de nombreux membres de l'équipe Delphi apprécient ces titres. Contentons-nous simplement de noter qu’il existe de nombreuses façons d’introduire la monétisation, laquelle peut être abordée de différentes manières. Comme toujours, il n'y a jamais de solution unique et il y aura toujours des nuances dans l'espace infini de la conception de jeux.

Historique de la monétisation des jeux

Avant d'entrer dans le détail de la façon dont la crypto a intégré les jeux de nos jours, commençons par jeter un coup d’œil sur le parcours de l'industrie en gardant à l'esprit le contexte décrit précédemment. L'industrie du jeu vidéo en tant que phénomène grand public a connu une longue évolution depuis la fin des années 1970, à l’époque où le jeu d'arcade a conduit au premier âge d'or du gaming (1978-1982). Ces premiers jeux avaient une véritable âme, et le fait d’y jouer en arcade sous les yeux d’autres spectateurs a fait naitre pour la première fois un puissant esprit de compétition. Afficher son nom au tableau des meilleurs scores, avec le moment de gloire qui s'ensuivait, était devenu une façon contagieuse de briller aux yeux de ses amis comme de ses adversaires. Ces jeux nécessitaient d’être habiles, étaient amusants et respectaient l'adage séculaire selon lequel les grands jeux devraient être faciles à apprendre tout en étant difficiles à maîtriser.

Compte tenu de la nature apparemment omniprésente des jeux vidéo modernes, il peut sembler contre-intuitif de comparer les revenus de ces premières années avec ceux de notre époque. En 1981, l'industrie du jeu vidéo générait des revenus de 20 milliards de dollars, soit l’équivalent de 64 milliards d’aujourd’hui. A titre de comparaison, les revenus mondiaux du jeu en 2021 étaient de 180 milliards de dollars.

Le succès des jeux vidéo de l’époque était véritablement impressionnant, malgré la lourdeur des contraintes de leur usage. Il fallait aller jusqu’au site avec des pièces de monnaie plein les poches, faire la queue au milieu de la foule, s'assurer que les machines fonctionnent, que les jeux fonctionnent ou même simplement que l'arcade elle-même était ouverte… tout ça pour jouer à Space Invaders ?! Autant dire que tout ceci serait inimaginable pour le joueur d’aujourd’hui.

Alors par-delà la nouveauté, quelle était donc la magie derrière ces premiers jeux ? Brooks Brown, dans ses entretiens sur NOR, met l'accent sur l'idée de « fair-play et le frisson du risque ». L'idée centrale est qu'au début, les jeux offraient un véritable risque. Après avoir fait la queue en attendant votre tour, votre pièce de monnaie vous permettait d’acheter trois vies. Et une fois que vous les aviez perdues, vous étiez éliminé. Il y avait une réelle incitation à s’améliorer, car le prix en dollars devenait alors étroitement liée aux compétences. Les meilleurs joueurs en avaient littéralement plus pour leur argent dans la mesure où ils pouvaient survivre plus longtemps. Les meilleurs joueurs avaient quant à eux une incitation supplémentaire sous la forme de « high scores » susceptibles d’être immortalisés - tout le monde était conscient de la difficulté d'intégrer le tableau des meilleurs scores, donc cela imposait le respect. Cette forme d'incitation a poussé les joueurs à vouloir s'améliorer encore en passant toujours plus de temps à s'entraîner, ce qui ne pouvait être fait qu'en dépensant davantage. Il y avait d’ailleurs un seuil critique au-delà duquel il était finalement plus économique d'être un joueur performant. Mais surtout, le principe sacro-saint du jeu était l'équité. Il n'y avait pas de codes de triche, de bonus achetables ou d'autres consommables susceptibles d’avantager un joueur. Ces jeux n’étaient rien d’autre que des formes brutes de compétition, dont toutes les variables en dehors de leur environnement étaient sous le seul contrôle du joueur. Les utilisateurs avaient la garantie qu'ils pouvaient gagner à ces jeux uniquement grâce à leurs compétences pures, contrairement à la plupart de ce que nous voyons à l'ère moderne. Le fair-play et le frisson du risque.

 A History Of Gaming Revenue By Platform 1

Au fur et à mesure de l’évolution de l'industrie, l'émergence des consoles de salon a progressivement permis aux joueurs de passer des arcades au confort de leur propre maison. Ils pouvaient désormais jouer comme ils voulaient quand ils voulaient, sans limites. Dans les années qui se sont écoulées entre l'essor de la console et l'avènement d'Internet, le spectacle public de l'arcade et l'esprit de compétition autour des meilleurs scores ont progressivement diminué. Ces « athlètes virtuels » de haut niveau qui disposaient autrefois de nombreux admirateurs ont perdu cette énergie communicatrice. Perdre ses trois vies et "mourir" n'avait plus le même sens dans la mesure où les joueurs pouvaient se contenter de réapparaître gratuitement sans la moindre pénalité dans le monde réel.

Toutefois, à partir du moment où perdre n’avait plus d’importance, gagner non plus. Les conséquences des actions avaient changé. Comme le dit Brooks, " La dévaluation du risque a rompu le lien entre les compétences du joueur et la valeur de divertissement ". En fin de compte, les concepteurs de jeux sont devenus de plus en plus dépendants des avancées technologiques telles que de meilleurs graphismes et un meilleur son pour distraire les utilisateurs de ce changement subtil mais ô combien important. Désormais, la norme serait un cycle éternel de réapparitions infinies depuis le confort de sa maison. L'ancien nom de NOR était en fait Eternal Return, du nom de la menace nietzschéenne d'être condamné à une existence aussi répétitive. Au milieu des années 80, les jeux vidéo se sont développés à un rythme rapide, avec des budgets de production sans cesse croissants créant des titres sans cesse plus volumineux qui englobaient des mécanismes de plus en plus complexes ainsi que des récits de plus en plus longs. Au lieu d'être en concurrence directe avec le sport, l'industrie a eu tendance à concurrencer le cinéma et la télévision.

Quelques décennies plus tard, la tendance à aller vers des jeux à plus haute valeur ajoutée se confirme totalement, comme l’illustre cette lettre aux investisseurs de Netflix du quatrième trimestre 2019 : « Nous sommes bien plus en concurrence – défavorable – avec « Fortnite » que nous ne le sommes avec HBO ». Au cours des années 80, 90 et 2000, l'industrie était dominée par les jeux AAA premium, des jeux pour lesquels il fallait acquitter un coût initial important, généralement 60 $. Les jeux étaient distribués sur CD ou cartouche, et on y jouait sur PC et/ou sur des consoles comme la Sony Playstation ou la Nintendo GameBoy Advance. Leur existence reposait sur le travail de développeurs qui étaient tellement passionnés qu’ils ne comptaient ni leur temps ni leur énergie, allant même jusqu’à dormir sous leurs bureaux après 100 heures par semaine d’un travail acharné, simplement pour travailler dans le gaming. Le modèle économique du « jeu premium » supposait que seuls les joueurs qui : 1) disposaient de la configuration matérielle requise (une console ou un PC de jeu) et 2) acceptaient de dépenser 60 $ pour une expérience de jeu individuelle, pouvaient jouer à ces jeux vidéo. Il en résultait que, malgré la bonne expérience qu’ils procuraient, l'accessibilité des jeux vidéo dans le monde restait limitée. En 2001, il n'y a eu que 3,1 millions de ventes du jeu vidéo le plus vendu : Pokemon Gold / Silver / Crystal. A titre de comparaison, Garena : Free Fire compte aujourd’hui plus de 100 fois plus d'utilisateurs, avec 311 millions d’utilisateurs actifs mensuels.

De plus, il était difficile pour les développeurs de capter de la valeur dans la mesure où il leur était impossible de discriminer efficacement les prix, ce qui signifiait par exemple qu'un joueur qui aurait été prêt à dépenser des milliers de dollars pour vivre pleinement son expérience du jeu n'avait aucun moyen significatif de le faire. L’avènement des jeux gratuits et mobiles a radicalement changé la donne. Les jeux mobiles et le modèle de jeu gratuit ont propulsé le secteur des jeux vers de nouveaux sommets vertigineux. Aujourd'hui, les revenus des jeux mobiles (85 milliards de dollars) représentent davantage que ceux des PC (40 milliards de dollars) et des consoles (33 milliards de dollars) réunis ! Avec l’énorme avantage conféré par la distribution des premiers titres nativement numériques, l'industrie s'est tournée vers la création de jeux gratuits. Cela a ouvert les jeux à plus de 3 milliards de personnes dans le monde, et aujourd'hui le joueur moyen est une femme de 35 ans. Cependant, à partir du moment où ces jeux étaient gratuits, il fallait qu’ils soient monétisés pour être rentables. L'avènement du mobile s’est donc accompagné de deux principales nouveautés : la publicité et – point beaucoup plus controversé – les microtransactions, qui impliquaient de faire payer les gens pour qu’ils obtiennent des avantages au sein de ces jeux, que ce soit en termes de la commodité, de gain de temps... ou du pouvoir par rapport aux autres joueurs. Bien que cela reste anodin au début – la plupart des monétisations se produisant autour de l’apparence et d'autres menus achats sans importance – la plupart du temps, cela n’a pas duré longtemps. Les jeux ont progressivement été bien davantage conçus et développés sous un angle purement comportemental que dans un but purement ludique, et cette transformation des jeux en une industrie financière a conduit à un nivellement par le bas. En se focalisant sur la meilleure façon de retenir les utilisateurs dans le seul but de mieux monétiser leur parcours, l'industrie des jeux gratuits s’est appuyée sur un ensemble de mécanismes comportementaux reposant sur la psychologie de la dépendance afin de mieux fidéliser et faire payer les joueurs, comme des mécanismes de rendez-vous et une utilisation habile des notifications et des fonctionnalités sociales pour faire en sorte que les joueurs se connectent constamment.

Dans le pire des cas, le développeur était même délibérément amené à créer des obstacles et générer toutes sortes de situations inconfortables qui avaient pour but d’amener le joueur à dépenser pour sortir de cette situation. Par exemple, autoriser le vol de ressources entre les joueurs a incité ces derniers à acheter des boucliers afin de protéger leurs ressources lorsqu'ils étaient hors ligne. A partir du moment où l’économie de nombreux jeux reposait essentiellement sur leur capacité à attirer et à retenir certains joueurs susceptibles de dépenser sans discernement (les « baleines »), alors le succès d’un jeu dépendait de la profondeur de son économie ou, dit autrement, du montant qu'une baleine pourrait dépenser au sein du jeu. Par exemple, les fans de Diablo Immortal estiment que l'on pourrait dépenser jusqu'à 600 000 $ pour améliorer complètement un personnage !

Certains pans de l'industrie actuelle penchent tellement vers un modèle de pay-to-win que l'expérience des joueurs non-payants en est délibérément dégradée. Cela peut être particulièrement exacerbé dans les jeux multijoueurs, où les baleines se voient accorder l'illusion de la supériorité grâce à un avantage injustement acquis. Mais le marché a toujours raison, et force est de constater que ce business model est clairement devenu très attractif pour de nombreux développeurs. Au point que, malheureusement, certains studios sont devenus tellement accrocs à ce modèle que cela a créé d’importantes tensions avec leurs base de joueurs, qui jugent leur comportement prédateur. Encore une fois, la façon dont un développeur utilise cette pratique est variable, et on rencontre encore heureusement des situations qui sont à l’opposé de cette façon de faire.

La mise en œuvre de ce modèle ne constitue pas nécessairement la règle, dans la mesure où des jeux tels que Rainbow Six: Siege par exemple ne semblent pas intégrer des avantages payants. Cependant, il existe d’autres manifestations plus subtiles, comme l’arrivée de nouveaux opérateurs qui bousculent délibérément l’écosystème et encouragent les utilisateurs à dépenser. Dans le meilleur des cas, les skins, très répandus dans la plupart des jeux modernes n’offrent pas d'utilité dans le jeu, mais certains joueurs soutiennent toujours que dans certains scénarios compétitifs, ils peuvent conférer un avantage.

 MAGIC CIRCLE DEGRADATION IMPEDES FLOW

En résumé, avec l’exemple typique de S-Curve, l’industrie du jeu qui était autrefois centrée sur l’attrait de l’utilisateur, est aujourd’hui devenue un moyen d’en extraire de la valeur. Beaucoup de ces pratiques de monétisation sont désormais solidement ancrées et aujourd’hui tout le monde se retrouve plus ou moins obligé de faire la même chose. D’ailleurs, nous avons même remarqué une certaine stagnation quant à la façon d’incorporer la monétisation au sein des jeux, et les diverses astuces psychologiques destinées à accrocher les gens sont devenues de plus en plus stéréotypées au fil du temps.

Les microtransactions et les étapes du pay-to-win nuisent grandement au concept du cercle magique, rendent plus difficile l’entrée dans un « état second » et au final, sapent l'expérience du joueur.

La crypto propose une prochaine étape dans l'évolution de la monétisation au sein des jeux, et dans la suite de cet article, nous allons voir à quoi ont ressemblé leurs premières implémentations.

La blockchain dans les jeux

Avant d’évoquer la génération actuelle des jeux crypto, commençons par récapituler certaines des propriétés de la technologie blockchain, dont nous pensons qu’elles sont intéressantes lorsqu'elles sont appliquées aux jeux. Détaillons ces mérites, à la fois du point de vue du joueur et de celui du développeur.

 How Blockghain Can Improve Gaming

Avantages pour les joueurs :

Droits de propriété numérique : dans les jeux traditionnels, les joueurs achètent des articles numériques (par exemple, des skins dans Fortnite) mais qu'en réalité ils ne font que « louer » à l’éditeur du jeu. Lorsque les actifs du jeu deviennent des NFT, cela permet de sécuriser le joueur et toutes ses réalisations. Si le jeu cesse de fonctionner, d'autres intervenants peuvent théoriquement donner à ces actifs une autre utilité, et au pire ces derniers auront toujours une valeur de collection.

Liquidité du marché secondaire : le fait de détenir réellement la propriété de leurs actifs modifie la psychologie des consommateurs, par l’affichage de la valeur résiduelle de leurs actifs numériques d’une façon aisément vérifiable par tout le monde. Les utilisateurs pourront s’ils le souhaitent sortir d’un écosystème en conservant la valeur de leurs investissements.

Provenance : les biens virtuels ont désormais des historiques riches et vérifiables. Imaginez avoir la possibilité de posséder le skin du pistolet exact (et signé) que vos joueurs d’ESport préférés ont utilisé pour remporter le championnat du monde !

Gouvernance communautaire : les joueurs peuvent désormais participer à la direction des jeux qu'ils aiment via les DAO et les conseils (voir : Illuvinati Council by Illuvium).

Création de valeur : la valeur créée dans les jeux peut être stockée de manière transparente dans un jeton d'écosystème au fur et à mesure que de plus en plus de joueurs consacrent du temps et de l'argent dans ces mondes.

Réputation en chaîne : un nouvel espace de conception centré sur le joueur se met en place, qui permettra désormais aux meilleurs de se forger un solide profil de joueurs inter-écosystèmes. Nous reparlerons de cela dans le passage consacré au PlayFi.

Infrastructure de paiement Web3 : il sera possible, via un processus de paiement crypté, d’effectuer des paiements de façon totalement transparente dans un certain nombre de situations comme les cagnottes de smart contracts ou les récompenses pour les tournois, qui sont habituellement des sources de problème dans les ESports.

 Shift in Value in Gaming Ecosystems 00000

Avantages pour les créateurs et les développeurs :

Assiette de monétisation plus large  : la crypto offre l’opportunité d’appliquer un modèle de monétisation d’une façon plus réfléchie par rapport au modèle free-to-play où en moyenne, seuls moins de 2 % des joueurs achètent réellement des objets dans le jeu. La capacité à faire payer une base plus élargie d'utilisateurs découlera d'une volonté de dépenser plus forte de leur part, qui sera justifiée par les avantages qui ont été décrits au chapitre précédent (propriété des actifs numériques, provenance, etc.). En outre, toute l'activité du marché secondaire, qui était jusqu’à présent détournée par les marchés gris périphériques, pourra être récupérée. Bien entendu, tout cela devra être fait avec discernement et d’une manière non préjudiciable, comme nous le verrons plus loin.

Meilleur alignement d’intérêts : le partage d'une partie des revenus entre les joueurs et les créateurs au sein de l’économie des jeux entraine un coût d'acquisition des joueurs moins élevé et une meilleure capacité à les conserver, produisant ainsi des retours sur investissement plus élevés que sur les jeux gratuits traditionnels. Enfin, les utilisateurs ayant un intérêt dans les mondes du jeu qui leur tiennent à cœur, peuvent en devenir les ambassadeurs.

Amélioration des revenus des créateurs : dans les jeux UGC comme Roblox, les créateurs ne conservent qu'environ 30 % des revenus qu’ils ont généré. Avec les jeux blockchain, ils conserveront une fraction beaucoup plus importante de la valeur créée et ils recevront automatiquement les redevances via la blockchain.

Interopérabilité : même si cela prendra certainement du temps, la technologie blockchain a le potentiel de permettre une interaction entre les écosystèmes en tirant parti des blocs de construction existants et de l'infrastructure open source. Il sera certes difficile de réaliser l'interopérabilité entre des jeux différents, mais nous considérons cette « composabilité » comme une innovation très prometteuse qui sera permise par le Web 3.0.

Enfin, il ne faudrait pas oublier de rappeler que la crypto a d’ores et déjà apporté certaines améliorations dans le cadre du financement des jeux. Comme beaucoup le savent peut-être déjà, certains monopoles dans l’industrie ont créé des barrières infranchissables, à l’image de Tencent. La plupart des développeurs de jeux en herbe sont attirés par la création de jeux par pure passion, mais ils réalisent très vite que la présence des modèles commerciaux dominants ainsi que les barrières établies par les grands opérateurs historiques ne leur laissent plus guère que deux options :

- Tenter sa chance, et passer des années à construire des jeux intégrant des mécanismes F2P prédateurs en espérant que cela suffira pour leur permettre d’acquérir une base d’utilisateurs rentable.

- Renoncer à sa vocation créatrice et devenir un rouage dans la machine d'une grande entreprise. L'industrie des jeux AAA est souvent critiquée pour sa culture de travail toxique avec des horaires insensés autour de périodes de crise brutales. De plus, le modèle F2P tel qu’on le connait est si fortement enraciné vers la recherche de l'extraction de valeur qu'il a perverti l'âme de nombreux jeux. Au final, nombreux sont ceux qui finissent par voir s’étioler l’amour qu’ils avaient pour les jeux.

Pour autant, la demande de talents dans cette industrie dépasse largement l'offre. En structurant un écosystème qui offrirait aux développeurs la possibilité de construire et de définir des avantages qui seraient dès le premier jour partagés avec le public, la quantité et la variété des capitaux à leur disposition seraient bien plus importantes. Dans le cadre économique typique d’un F2P, il n'est pas rare que le budget marketing soit égal au budget de développement, vus les coûts élevés qui sont nécessaires pour sortir du lot afin de conquérir des utilisateurs. Dans le modèle crypto, ce budget marketing pourra être investi dans la conception d'incitations permettant de démarrer une économie. Bon nombre des meilleurs jeux au monde sont nés dans des communautés organiques et populaires plutôt que dans des laboratoires de R&D des géants du jeu à plusieurs milliards de dollars. De la même façon que le financement des créateurs a permis à ceux qui le voulaient d’aller au bout de leurs idées, il en ira de même pour les développeurs de jeux.

La génération actuelle des jeux cryptographiques

La cryptographie s’est emparée du gaming en 2021, mais force est de constater que son attrait semble être retombé aussi vite que l'engagement des joueurs s’est estompé. Avant d’aller plus avant, commençons par expliciter ce qui a provoqué l’excitation des gens au tout début. Bien qu'imparfait, ce modèle présentait de nombreux avantages par rapport aux jeux traditionnels. Comme nous l’avons expliqué précédemment, la crypto permet la véritable propriété de ses actifs numériques avec une liquidité vérifiable sur le marché secondaire, la gouvernance communautaire, les structures de propriété partagée et enfin, offre des options de financement considérablement améliorées pour les développeurs. En revanche, l'inconvénient est qu'avec la tokenisation de la plupart des actifs du jeu, il devient beaucoup plus difficile de piloter correctement l’économie du jeu.

En fait, la partie la plus difficile se situe au tout début, ce qui semble à priori contre-intuitif car les jeux sont lancés par paliers, ce qui veut dire que des pans entiers du jeu et donc du modèle économique qui y est attaché peuvent ne pas être fonctionnels au moment du lancement. Cela entraine un accroissement considérable de l'offre de l'économie du jeu sans qu’il y ait nécessairement en face une demande équivalente. Dès lors, la demande pour ces ressources n’est motivée que par une recherche d'utilité. Les développeurs de jeux créent souvent de nombreux leviers qu'ils ont la possibilité d’ajuster en cours de route afin de maintenir l'équilibre dans l'économie du jeu, mais tant que les fonctionnalités complètes du jeu ne sont pas encore installées, ces leviers restent limités. L’abondance de liquidité qui débarque dans l'économie du jeu alors même tout le parcours de ce dernier n’est pas encore entièrement construit tend à provoquer une situation de surchauffe. Au début, toutes les ressources du jeu qui sont encore rares, doivent faire face à une pure spéculation financière de la part des « faux joueurs », ce qui permet de maintenir une demande très soutenue. Cette dynamique est particulièrement attrayante pour ceux des participants qui ne sont venus là que dans un but purement spéculatif. Ces derniers contribuent à accentuer le déséquilibre que nous venons d’évoquer parce qu'ils arrivent au tout début, ce qui, mécaniquement, soutient fortement la demande pour les actifs générateurs de rendement au sein du jeu. Du coup, en réponse à cette demande, l'offre de ces actifs augmente très vite, mais à ce moment-là elle ne trouve plus suffisamment de demande organique (c’est-à-dire non-spéculative) en contrepartie. Et c’est précisément à ce moment-là, quand les prix commencent à s’ajuster à la baisse du fait de la surabondance de l'offre, que ceux qui étaient venus uniquement pour capter de la valeur ou pour spéculer quittent le navire, ce qui ne fait que renforcer encore davantage le déséquilibre entre l'offre et la demande. Tout ça plonge l'économie du jeu au fond d’un trou dont elle peut mettre très longtemps à sortir.

Il existe bien une solution possible, qui consiste à limiter la transférabilité des articles consommables pendant les tous premiers jours du jeu, jusqu'à ce que davantage de composants du jeu et de l'économie aient été construits. Ces articles ne seraient immédiatement disponibles sur la blockchain mais seraient simplement liés au compte qui a les générés. Cela contribuerait à limiter le risque de surchauffe du modèle économique avant que celui-ci ne soit en mesure de se réguler. Cela pondèrerait également les prix des actifs au début, dans la mesure où il n’y aurait pas d'actifs générateurs de rendement dont les prix s’envoleraient jusqu’à des niveaux astronomiques sous l’effet de la spéculation. Ces flambées de prix finissent en général par devenir un véritable obstacle à l'adoption pour ceux qui ont un intérêt sincère pour le jeu. Cette non-transférabilité des actifs ne serait que temporaire et, passé un certain délai, ceux-ci pourraient être librement négociés sur la blockchain.

Une autre solution serait de limiter le rendement ou la durée de vie de ces objets ou actifs consommables dans le jeu. En informant dès le départ les joueurs qu’une règle prévoit que les actifs ne généreront pas un retour sur investissement à perpétuité, les équipes de développeurs seront mieux placées pour gérer et ajuster leur économie de jeu. Un exemple serait la mise en place d'une remise à zéro saisonnière de l’économie du jeu (voir : échelle Diablo II, saisons Path of Exile ou lingettes dans Escape from Tarkov), d’avoir des ressources qui expirent ou de construire des cycles de vie (création, décomposition et destruction potentielles) pour les actifs du jeu.

Néanmoins, jusqu'à présent, l'introduction d'une composante monétaire au sein du jeu lui-même a entraîné une dérive vers des motivations purement financières. En tant que tel, le gameplay de ces premiers titres a souffert sur deux fronts : 1) ce qui motive la plupart des joueurs est la recherche d'un gain financier plutôt que le jeu lui-même et 2) la construction autour d’un modèle pay-to-win a permis aux baleines de trouver leur compte.

 Prosand Cons 00000

En 2019, Delphi a participé au développement d’AXS, le jeton de gouvernance d’Axie Infinity. L'idée était relativement simple mais elle était nouvelle pour l'époque – récompenser les joueurs qui participent réellement au jeu. De la sorte, ceux qui, dans le monde, passaient le plus de temps à jouer pourraient se voir octroyer des pouvoirs de gouvernance, ce qui a toujours été le rêve de tous les joueurs. À l'époque, Axie Infinity n’avait que très peu de joueurs, mais cela ne nous a pas empêché d’entrevoir beaucoup de promesses dans le projet de Sky Mavis - suffisamment en tous cas pour voir que 5 Mystic Axies aient été achetés pour 473,5 ETH en 2020 ! Disons-le tout de suite : à l’époque, personne au sein de la communauté n'avait vraiment anticipé qu’il y aurait une telle viralité ni que la dimension financière prendrait une telle ampleur. D’ailleurs, le nom Play-2-Earn a été trouvé rétrospectivement. Peut-être que nous aurions dû en prendre la mesure de façon plus évidente, tant était considérable l'engouement autour des gains financiers dans le secteur, comme l’illustre le marché gris de la revente en argent réel (Real Market Trade) autour de la plupart des grands jeux vidéo. L'émergence du modèle où des investisseurs « cultivaient » des actifs qu’ils louaient ensuite à des nouveaux entrants – à charge pour ces derniers de leur reverser une partie des revenus générés par lesdits actifs – s’est révélé par hasard bien plus qu’il n’était le fruit d’une volonté. Néanmoins, nous en sommes finalement arrivés à la situation où la plupart des « joueurs » n’étaient là que pour prendre de l’argent. La croissance des nouveaux utilisateurs s'est progressivement arrêtée et l'économie du jeu également. Pour renforcer encore davantage le caractère exclusivement financier de ce type de jeux crypto, ont alors émergé des guildes dont l’objectif était de professionnaliser et d’industrialiser l’« élevage » des actifs. Lancées par Yield Guild, ces structures ont permis d’associer de très nombreux utilisateurs à des actifs, ouvrant de très nombreuses opportunités économiques pour de larges populations. Rappelons l’impact considérable que cela a eu dans des pays comme les Philippines, où pendant le COVID, les play-to-win ont littéralement transformé la vie de beaucoup de gens. En 2021, nous avons vu arriver 512 M$ de financement émanant d’organismes publics et privés pour les guildes. Une grande partie de cet argent a été allouée à l'investissement dans les actifs du jeu, ainsi qu'aux investissements en capital-risque dans les jeux eux-mêmes. Cette très forte pression acheteuse a conduit la majorité des jeux à s’engouffrer dans cette tendance en cherchant à reproduire le même mécanisme. Probablement que le secteur s’est lancé à corps perdu et sans trop réfléchir dans la conception frénétique de ce type d'économie de jeu sans prendre le temps de se demander s'il s'agissait ou non de la meilleure voie à suivre. Notre avis est que les guildes, dont la seule raison d’être a été de coordonner l'extraction de ressources dans les jeux se sont pour le moins éloignées de la vision originale de ce qu'elles pourraient être, et nous aborderons dans une section à venir ce qu’elle pourraient être. Malheureusement, comme c'est souvent le cas avec la crypto en général, il semble que de nombreux « joueurs » dans les jeux crypto actuels ne sont rien d’autre que des mercenaires. A l’instar du yield farming, les utilisateurs sont attirés par les rendements les plus élevés sans avoir un grand intérêt pour les jeux proposés. Non seulement il en résulte que les développeurs paient trop cher pour acquérir leurs premiers clients, mais cela peut également nuire à l'expérience des véritables joueurs. L'importance excessive accordée à la composante financière au sein de ces premiers titres a finalement tué la demande organique des joueurs.

Cela dit, nous continuons de croire qu'il y aura toujours une demande importante pour les jeux financiarisés qui choisiront de mettre sur la blockchain une grande partie de leur économie de jeu (au passage, croisons les doigts pour que cela soit un jour le cas de la « Auction House » de World of Warcraft). Ces jeux conduisent à une nouvelle forme de gameplay, dans laquelle les compétences et les connaissances avancées de la méta du jeu peuvent créer de l'alpha dans l’économie du jeu et permettre aux joueurs dévoués et avertis d’obtenir des récompenses. Nous sommes fiers de soutenir de nombreux jeux de ce type et avons été très heureux de constater les progrès réalisés par des titres tels que Crypto Unicorns. Grâce à la combinaison d’un pilotage économique, d’une conception soignée / diligente et du développement en continu de services en direct, ces facteurs peuvent être mieux calibrés tout en créant une expérience enrichissante avec une économie de jeu centrée sur les joueurs.

Pour ces jeux financiarisés, il est d'une importance cruciale que la proportion des joueurs seulement désireux d’extraire de la valeur nette soit inférieure à celle de ceux qui sont heureux de payer uniquement pour se divertir. Idéalement, les extracteurs de valeur devraient apporter quelque chose d'utile ou d'intéressant pour les joueurs payants. Nous voyons cette première génération de jeux crypto comme une extension de ce qui fonctionne déjà dans le jeu traditionnel, avec l’ajout de certaines nouvelles caractéristiques qui le rendent plus attractif. Il est important que les développeurs de jeux blockchain aient une compréhension claire de ce qu’ils construisent, et pour qui ils le construisent. Nous pensons que de nombreux développeurs qui prennent la décision d'ouvrir leur économie le font encore de façon trop timorée, sans prendre la mesure de toute la complexité qu'implique un cheminement efficace dans ce domaine. Chez Delphi, nous continuons à passer du temps à analyser comment les modèles existants devraient évoluer, ainsi qu'à examiner d’autres nouveaux modèles que nous allons maintenant explorer.

Utilisation de la cryptographie pour monétiser les jeux

Il existe un autre modèle que l'équipe de Delphi Gaming a récemment exploré en profondeur, qui s'appelle PlayFi, et qui a été lancé par NOR. Nous pensons que ce modèle est particulièrement bien adapté aux eSports et aux jeux de compétition, et à l'avenir Delphi soutiendra activement les projets travaillant sur ces idées. Afin de mieux l'expliquer, reprenons notre concept du « cercle magique » dans les jeux. L’« état second » dans lequel le joueur peut s’organiser et évoluer en toute liberté sans être le moins du monde perturbé par l’environnement qui l’entoure, est la principale raison pour laquelle les grands jeux résistent à l'épreuve du temps. Ce n’est pas un hasard si le tournoi de jeu qui a été organisé dans le cadre des universités d’été de Delphi s’appuyait sur un jeu vieux de 20 ans (Super Smash Bros). Il y a une élégance et une forme de pureté dans ces jeux qui ont refusé de faire des compromis quant à leurs principes fondamentaux. De plus, les jeux qui suivent ce modèle semblent s'être immunisés contre l'éphémère de notre environnement numérique contemporain. Counter Strike, par exemple, conserve sa position en tant que l'un des plus grands titres de tir de tous les temps, tandis que de nombreux autres ont été créés puis sont retombés dans l’oubli autour de lui. Comme nous allons le voir, cela peut en grande partie s’expliquer par le fonctionnement des sports traditionnels, un modèle qui a prospéré au fil des millénaires.

 gaming photo

Dans le modèle des sports professionnels, pratiquement sans exception, les mécanismes de base du jeu sont incroyablement basiques et très faciles d’accès. Au football, par exemple, l'objectif est littéralement de mettre le ballon dans le filet. Le jeu comporte certains paramètres fixes (dimension des buts, taille et poids du ballon). Comme le dit Brooks, « La nature de tout jeu idéal est que chaque lancer, jeu ou choix opère sur des choses bien définies - une constellation d'entre elles si vous l'avez bien fait. » De plus, l'accessibilité est généralement ouverte à tous. Chaque joueur potentiel ne doit pas aller bien loin pour trouver un ballon et le but… le plus souvent, les sports sont faciles à apprendre mais difficiles à maîtriser. La maitrise du joueur est importante, car tout le parcours dans le jeu résultera de ses propres décisions. On peut choisir de tirer soi-même les pénalités, les coups francs et les corners. L'introduction d'un défi supplémentaire par le biais de la confrontation à distance est tout aussi simple – cela peut-être un exercice en un-contre-un qui introduit progressivement d’autres règles du jeu (fautes, tacles, tirs bloqués, etc.). Le tout s'adapte à différentes tailles et formats d'équipe, jusqu'à incarnation ce qu’il est convenu d’appeler le « beau jeu ». A partir d’un certain niveau, les joueurs peuvent incorporer des arbitres officiels afin de faire respecter les règles dans des scénarios plus organisés et compétitifs. À tout moment dans ces nombreuses configurations dérivées du football, les joueurs peuvent introduire des paris qui augmentent les enjeux et amplifient l'esprit de compétition. Il est important de noter qu'au fur et à mesure que ces scénarios deviennent de plus en plus compétitifs, les joueurs gagnent en expertise et, par extension, la difficulté globale du jeu augmente. À mesure que le niveau augmente, les enjeux financiers augmentent également. Ces expériences restent rares. Il n'y a qu'un nombre limité de joueurs dans le monde qui sont susceptibles de concourir au plus haut niveau, et placés au sommet d'une pyramide de talents, ils sont connus et reconnus. En tant que tel, nous assistons à une augmentation spectaculaire des opportunités de contribuer à l’écosystème qui vont au-delà du jeu en lui-même, que ce soit sous la forme des entraîneurs, des fans, des commentateurs, des analystes, des recruteurs, des prévisionnistes, des marchandises, des objets de collection, etc. Comme le dit Brooks : « Cette élégante corrélation entre la difficulté accrue du jeu et l'augmentation des opportunités économiques / participation au jeu est à la base du modèle du sport pro et à la base de PlayFi ».

 LAYERS V2

Essentiellement, nous pouvons considérer que le modèle de monétisation des sports tourne exclusivement autour des méta-jeux. Ces méta-jeux agissent un peu comme les dérivés d'un jeu purement basé sur les compétences. Si on peut voir les métadonnées comme des données qui décrivent d'autres données, les méta-jeux, par extension, peuvent être considérés comme des jeux dérivés qui décrivent ou sont enracinés dans le jeu de base. Il faut bien comprendre que les jeux de marché sont distincts du jeu de base en lui-même. Le football, à la base, n'est pas un jeu de marché⁠ - c'est juste un jeu de force et d'adresse sur un terrain. Son évolution vers la monétisation a été initiée par les amoureux du sport lui-même, qui jouent à des méta-jeux à partir des métadonnées qu’ils ont puisées dans les plus grands matchs.

 SEPARATING THE MARKET FROM THE GAME V2

Dans le contexte du jeu vidéo, après avoir admis que le cercle magique au centre du jeu devait absolument être préservé, on peut se demander comment faire pour accueillir un public plus large dont la grande majorité n’ont pas forcément une volonté farouche ou le talent pour atteindre personnellement les niveaux supérieurs d'un titre donné. Après tout, il existe une myriade d'archétypes d'utilisateurs dans les jeux modernes, depuis les baleines désireuses de dépenser beaucoup d’argent jusqu’aux spéculateurs qui aimeraient parier sur les meilleurs joueurs en passant par des passionnés plus occasionnels qui apprécient le titre à leur façon. Comme nous l'avons vu à la fin de la première section, s'il n'est pas maîtrisé, l'argent finira toujours par devenir le facteur de motivation dominant. C’est la raison pour laquelle la toute première étape consiste à dissocier les jeux du marché du jeu de base lui-même. En procédant ainsi, nous pourrons commencer à définir des cercles magiques indépendants qui s'harmoniseront entre eux mais n'interfèreront pas les uns avec les autres. Personne ne sera amené à jouer le jeu de l'autre.

 NFT CARDS

Au même titre que dans le modèle sportif professionnel, la rareté de l'expérience a une importance, tant en ce qui concerne le niveau de compétence qu’en ce qui concerne la cadence des compétitions. Au football, Ronaldo ne mettra le pied sur le terrain qu'une fois par semaine. Les contraintes liées à la fréquence avec laquelle ces situations concurrentielles surviennent contribuent plus encore à être porteurs de sens. Avec NOR, pionnier en matière de PlayFi, ce sont bien la rareté de l'expérience ainsi que le risque réel qui sont au pouvoir, illustrés par les tournois incluant la « mort définitive ». Dans chacun de ces jeux, les joueurs eux-mêmes sont des NFT, et ceux-ci sont définitivement brûlés quand ils perdent. Ils sont entièrement propriétaires de leurs données et de leurs métadonnées qu’ils tirent directement de l'économie autour du jeu de base. L'objectif du modèle PlayFi est, par-delà les principaux concurrents, d'encourager les utilisateurs à jouer à des méta-jeux à partir de métadonnées. En théorie, plus les gens s'intéresseront au jeu de base, plus ils dépenseront directement pour les méta-jeux qui y sont associés. En maximisant la génération de sens et la concurrence au sein du jeu de base, il sera possible de maximiser les revenus grâce à la monétisation périphérique qui entoure celui-ci. Par ailleurs, tous les avantages de la distribution du modèle free-to-play seront conservés dans la mesure où les joueurs pourront jouer gratuitement, et il sera enfin possible de discriminer effectivement les prix pour ceux qui sont prêts à dépenser plus pour les méta-jeux. Nous évitons également les inconvénients du pay-to-win.

Au centre de ce décor, se trouve la compétition, fondée elle sur les compétences, qui aura besoin des systèmes de tournois pour fonctionner. Les NFT sont une technologie fondamentale permettant de tokeniser n'importe quel élément numérique unique⁠, y compris les accès aux tournois sous forme de tickets. Par exemple, voyons le support ci-dessous qui dispose d’un total de huit niveaux d'entrée possibles. Chacun de ces points de départ peut être vendu lors d'une enchère principale, puis être ensuite échangé librement sur le marché secondaire sans que cela affecte le gameplay de base. Les smart contracts représentant la cagnotte pourraient prélever 50 % de tous les revenus générés (en plus des sponsors), contribuant ainsi à l'attrait de la compétition.

 BRACKETS

Bien que plusieurs de ces éléments soient similaires à certains eSports modernes, nous ne saurions trop insister sur la montée en puissance significative apportée par le Web3. En fin de compte, la crypto servira principalement comme un moteur de comptabilité backend qui facilitera la billetterie, les paiements, les contrats NFT des joueurs (réputation en chaîne), les smart contracts versant les primes de tournois, etc. La crypto ouvre une nouvelle transparence autour des profils des joueurs, une couche de liquidité profonde facilitant la mise en place de paiements transparents ainsi que de nouvelles façons pour les gens de parier sans devoir naviguer au sein d’une infrastructure complexe. De plus, de nombreuses propriétés de la technologie cryptographique telles que la provenance numérique ouvrent une nouvelle façon de penser le domaine numérique. Combien auriez-vous payé pour les gants du combat Ali-Frazier ? De nos jours, combien seriez-vous prêt à payer pour un skin fabriqué à partir d'un championnat d'eSports qui vous tient à cœur ?

 Cosmetic Tournament Bounty

Il existe désormais une riche tapisserie de notre expérience numérique, sur laquelle les fans peuvent collectionner les extraits des moments significatifs de l'histoire de l'eSport. Ce qui est passionnant avec la construction de tout cela grâce à la cryptographie, c’est de pouvoir créer une infrastructure open source susceptible d’être utilisée dans l'ensemble de l'industrie pour de nombreuses applications. Tous les jeux de style eSports devraient pouvoir appliquer un seul et même ensemble de normes, ce à quoi Delphi espère contribuer. Une fois que toutes les données, métadonnées et infrastructures seront consolidées en un seul et même endroit, alors nous ouvrirons la possibilité à des tiers d'intervenir et de développer leurs propres méta-jeux autour de ces jeux. Il est difficile d'imaginer bon nombre des applications dérivées les plus populaires auxquelles cela conduira, mais nous sommes ravis de voir quels comportements et gameplay émergents en sortiront. Une fois les bases technologiques posées, nous pensons que les utilisateurs stimuleront la créativité dans leurs écosystèmes respectifs, comme ils l'ont toujours fait. Il a fallu du temps pour converger vers les méta-jeux optimaux pour les sports professionnels, et nous nous attendons à ce qu'il en soit de même pour PlayFi.

 PlayFi Primitives

Dans l'état actuel des jeux play-and-earn, la tokenisation des actifs dans le jeu comporte deux inconvénients : d’une part elle ajoute un coût au démarrage (friction) car un joueur a obligatoirement besoin d'un NFT pour commencer à jouer et d’autre part, des mécanismes de play-to-win se sont immiscés dans le jeu, attendu que tous les actifs du jeu sont des NFT disponibles sur le marché secondaire, ce qui a quelque peu dégradé l’expérience. Avec le modèle PlayFi, l'un des tous premiers changements est que les utilisateurs ne seront pas obligés de posséder un NFT pour jouer. En d'autres termes, c’est exactement comme n'importe quel autre jeu vidéo ordinaire. Surtout, ça ne veut pas dire pour autant pas qu'il ne peut pas y avoir ni qu'il n'y aura jamais de NFT. Les actifs numériques rares et uniques auront toujours leurs utilisations, comme nous l'avons mentionné précédemment, mais la manière dont ces actifs sont intégrés au jeu sera primordiale. Par exemple, je pourrai toujours être récompensé par un objet de collection numérique, mais cela devra avoir du sens pour moi dans le contexte du jeu. De plus, à partir du moment où toute la monétisation peut être effectuée à l’extérieur du jeu lui-même, il devient alors possible de réduire la plupart des frictions de distribution qui sont associées aux jeux crypto dans les magasins d'applications traditionnels. Ce qui est intéressant avec ces mécanismes, c'est qu'ils ne sont même pas incompatibles avec la génération actuelle de jeux et de guildes P2E. En fait, ils peuvent même être utilisées pour les améliorer ! Par exemple, des jeux comme Axie Infinity pourraient intégrer des formes de mini-jeux gratuits qui reposeraient uniquement sur les compétences, et où les NFT seraient attribués aux vainqueurs des tournois comme de véritables insignes d'honneur. Cela réduirait également les frictions pour l'adoption de nouveaux joueurs. Des guildes comme YGG pourront continuer à développer leur activité au-delà de la simple fourniture de liquidité aux joueurs pour démarrer au sein de nouveaux écosystèmes de jeu, et désormais s’appuyer sur les profils des joueurs NFT afin d’attirer les meilleurs talents dans leur guilde, comme le ferait une équipe d'eSports traditionnelle. Ils peuvent ensuite les inscrire à des tournois pour gagner des cagnottes, ce qui leur apportera la juste récompense de leurs efforts. Bien qu'il n'ait pas encore fait ses preuves, nous pensons que PlayFi possède les ingrédients nécessaires pour faire entrer l'eSport dans son âge d'or et libérer son véritable potentiel en tant que poids lourd du divertissement mondial. Nous soutiendrons activement des projets tels que NOR travaillant sur les infrastructures dans ce domaine.

Conclusion

Ce qu’il s’est passé au cours des douze derniers mois et plus a été phénoménal pour le jeu crypto, et malgré les diverses difficultés de sa croissance, nous sommes plus excités que jamais à l’idée de jouer un rôle dans l’évolution de ce secteur. Il est important de rappeler une fois encore à quel point ce secteur n’en est qu’à ses débuts, ce qui rend difficile de savoir avec certitude quels seront les modèles qui l'emporteront avec le temps. En tant que promoteurs de cet écosystème, nous devons remettre périodiquement en question nos hypothèses et nous devons essayer d'imaginer quelles seront les nouvelles façons dont ces technologies pourront améliorer les jeux pour les joueurs comme pour les développeurs. Nous pensons que c'est le moment idéal pour les développeurs qui envisagent d’aller vers ce secteur de réfléchir à la complexité des économies ouvertes et à la vulnérabilité de ces jeux face à la sur-financiarisation. Nous espérons que le chemin tracé avec PlayFi suscitera d'autres idées quant à la façon dont la cryptographie pourrait améliorer les jeux et leur monétisation. La seule façon d'inverser la tendance de la perception négative qui domine actuellement sera de créer des expériences qui montrent la puissance de cette technologie. Cela améliorera l'expérience.

Il faut noter qu'il existe de nombreux autres modèles dont nous pensons qu’ils seront particulièrement adaptés à la cryptographie et que nous n'avons pas abordés en profondeur ici. Par exemple, les plates-formes axées sur le contenu généré par les utilisateurs seront bien adaptées à l'intégration de la cryptographie. La possibilité de programmer des redevances qui découlent des créations dérivées de développeurs tiers est très prometteuse. On peut imaginer que cela deviendra suffisamment granulaire que les concepteurs qui créent des actifs spécifiques participent à l'économie de leur utilisation à travers différents mondes. Nous sommes particulièrement séduits par des projets tels que Webaverse dans ce domaine, qui a construit un moteur de jeu open source entièrement basé sur un navigateur. De plus, nous restons enthousiasmés par la perspective du jeu blockchain. Bien que le chemin qui reste à parcourir soit encore long, nous pensons qu'à terme, l'un des plus grands moteurs de l'innovation sera la construction native de ce nouveau média. Nous sommes ravis de surveiller des équipes comme Lattice, Topology et Matchbox DAO en tant que pionniers de ce secteur, même si nous pensons que nous sommes encore bien loin du jour où ces idées bénéficieront d’un large attrait. Bon nombre des plus grandes expériences de jeu jamais sorties de la communauté de modding et le jeu on-chain permettent une véritable composabilité d'une manière que d'autres approches ne permettent pas. Enfin, comme toujours, si vous construisez des infrastructures, des jeux ou d'autres expériences avec un angle unique dans ce secteur, nous serions ravis d’échanger avec vous. Nous sommes particulièrement intéressés par les équipes qui pourraient travailler sur le développement de certaines des fonctions PlayFi décrites précédemment. Nous avons de grands projets pour l'unité de jeu de Delphi et nous continuerons de consacrer des ressources de toutes nos divisions à cet écosystème jusqu'à ce qu'il soit définitivement adopté par le grand public.

L'équipe Delphi Gaming

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